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Les 50 ans du Raid Afrique en 2 CV

« Raid Afrique 1973 », le dernier des 3 grands raids Citroën en 2 CV après Paris-Kaboul 1970 et Paris-Persépolis 1971
Article de Pierre Lacasta, président de l’association "Mémoire des 3 raids Citroën en 2 CV"

« Ce soir, une dizaine de 2 CV, à l’arrêt, sont orientées en travers du vent, les tôles de désensablage plantées en quinconce et quelques pierres plates pour se protéger. Ce groupe va passer sa plus froide et sa plus haute nuit du Raid au col de l’Assekrem à 2700 m. d’altitude alors que le thermomètre descend vers zéro. Les quatre autres groupes ont préféré se serrer dans les pièces exiguës du refuge.
Bercés par un concert donné par ce vent glacial qui joue sur les orgues de basalte entre l’Akar-Akar et le Tahor, le Raid va vivre une de ses plus mémorables nuits.
Demain ils descendront sur Tamanrasset puis, via In-Salah, Hassi-Messaoud, ils atteindront Tunis, le terme de leur traversée de l’Afrique.

Il y a cinquante ans, c’est le 29 octobre qu’il sont partis d’Abidjan, répartis en cinq groupes de 12 voitures dont deux pour l’organisation et la Presse. Les 2 CV sont accompagnées par huit camions Berliet L64 à deux essieux moteurs. Equipés de plaques de désensablage, de réservoirs de 400 litres, de réserves d’eau, ils emportent les vivres, le carburant et des pièces. Grâce à un poste radio-émetteur ils sont en liaison constante avec la 2 CV n°1 de Jacques Wolgensinger, le chef de l’expédition, secondé par Jean-Paul Cardinal, mais aussi avec l’avion qui, deux fois par jour assure le survol du Raid avec Marlène Cotton à son bord.
Sous la houlette de Pierre Mathian, responsable Berliet, les chauffeurs expérimentés ont déjà leur actif de nombreuses missions en Afrique comme la Mission Ténéré en 1959, la Mission Tchad en 60 ou la Mission Afrique verte en 62. A la mi-octobre ils ont déjà effectué le parcours de descente sur les 5200 km de pistes entre Alger et Abidjan par Tamanrasset, Tahoua, Niamey, Ouagadougou pour prendre le départ du Raid. Pierre Mathian et Michel Parpette à bord du L64 « Nénesse » ont également participé, l’année précédente à la Reconnaissance du Raid avec Georges Crajka, chef des mécaniciens du Service Compétitions, sur Break DS pour accompagner les deux 2 CV 6, dont celle d’André Costa de l’Auto-Journal.
Les 100 jeunes participants et l’équipe des organisateurs, plus quelques journalistes, sont arrivés par avion à Abidjan où ils ont pris possession de leurs véhicules partis par bateau depuis Le Havre un mois plus tôt. Ceux-ci avaient été préparés pendant l’été selon un cahier des charges très précis établi par Jean-Paul Cardinal. Les 2 CV 6, Dyane 6 ou fourgonnettes 3 CV, de moins de trois ans, devaient être en parfait état avant que leurs soient apportées quelques modifications : carénage sous moteur et boîte, projecteurs supplémentaires, supports de plaques de désensablage, un réservoir supplémentaires de 65 litres, etc…

Selon la spécialité choisie, il avait fallu à ces jeunes français, franchir des épreuves très sélectives, organisées un week-end de mars, pour départager les 944 candidats dont les dossiers avaient été retenus alors que plusieurs milliers avaient répondu à l’appel lancé sur les ondes radio et la Presse écrite.
Dès le premier jour du Raid, impatients, les jeunes se lancent, pied à la planche, sur la route entre les plantations d’ananas, de cacaoyers, de bananiers et les hibiscus, bougainvillées ou les flamboyants. Lorsque pneus et jantes heurtent les rails émergeant du sol à un passage à niveau, l’ardeur retombe brusquement. Puis la piste arrive sans crier gare. La latérite s’envole en nuages de poussière. Malgré le manque de visibilité il faut rouler à plus de 70 km/h pour atténuer les vibrations dévastatrices de la « tôle ondulée »
De la Côte d’Ivoire le Raid est maintenant passé en Haute-Volta. Profitant d’une journée de repos quatre voitures font une incursion en pleine savane pour remettre 150 kg de médicaments à un hôpital de brousse où officie un jeune médecin français ami d’ un des raideurs. Dès qu’il a su qu’il était sélectionné, Pierre, étudiant en pharmacie, avait récupéré des échantillons médicaux, les avait répartis en cinquante paquets de 3 kg que tous ses camarades du Raid avaient accepté de transporter dans leur 2 CV.
Au Niger, le Raid traverse la zone du Sahel ravagée par la sécheresse. Il y règne une vraie fournaise attisée par un vent chaud qui dessèche la gorge.  Les Berliet ont apporté quelques tonnes de riz pour les distribuer aux nomades, les bergers Peuls qui ont perdu leurs troupeaux.
Quotidiennement, les participants sélectionnés comme mécaniciens font des prouesses. Ils représentent la moitié de l’effectif des jeunes, les autres ayant été retenus dans une spécialité, comme médecin, intendant, reporter, photographe, cameraman…
Une voiture du groupe « sable » tombée en panne d’embrayage, verra son moteur déposé, le disque d’embrayage remplacé, le moteur remonté et repartira à peine une heure plus tard !
Dans le groupe « orange », une autre pliera complètement son châssis, elle sera remorquée par le Berliet jusqu’au bivouac du soir. Alors, par groupes de trois, les mécaniciens vont se relayer. En pleine nuit la voiture est désossée, le châssis est redressé, le poste à soudure du Berliet vert est en pleine action. Dans la seconde moitié de la nuit, la voiture sera remontée avec un nouveau moteur.
A l’heure où Paris s’éveille les mécanos vont se coucher… »

Suite du récit  
Au Niger, après Agadez, commence le fameux désert du Ténéré, les ensablements vont se multiplier. Alors les copains viennent pousser ou tirer. Mais quand la voiture baigne dans le sable il faut bien se résoudre à sortir les plaques de désensablement, dégager les roues à la pelle et à la main. La moyenne baisse à 10, voire à 5 km/h. Les véhicules serpentent en tentant d’éviter la croûte fragile du fech-fech qui recouvre traîtreusement la poussière pulvérulente. A la tombée de la nuit, chaque groupe mettant à profit son autonomie, les voitures ont entouré leur Berliet préféré à la manière des pionniers américains avec leurs chariots.
Quand le désert s’affirme la piste devient de plus en plus sablonneuse. Suivant les conseils de Jean-Paul Cardinal, le responsable technique, on dégonfle les pneus. 900 g. puis 800 g. Il demandait 600 mais il y a encore pas mal de cailloux et de crevaisons. Puis, plus rien. Le sable à l’infini, plus une dune, plus une pierre, un univers horizontal. Ainsi, dans cette mer de sable à 3160 km de la côte d’Abidjan, les groupes échelonnés vont atteindre le point vers lequel ils tendent et qui apparaît maintenant à l’horizon : l’Arbre !
Le seul arbre à jamais avoir été représenté sur une carte au 1/4 000 000, le plus isolé, aucun autre à moins de 400 km.
Las ! Le célèbre acacia tahla a péri, fendu en deux. Grande émotion chez tous les participants du Raid. L’arbre du Ténéré qui servait d’amer et de point de rencontre pour les caravaniers avec le puits à ses pieds, est mort.
Depuis Agadez, un guide Touareg a pris place dans chaque Berliet. Nul ne sait comment ils parviennent à s’orienter…Coutumier des traversées à dos de chameau depuis l’âge de 10 ans, Adam va toutefois s’égarer et avec lui tout le groupe « blanc » auquel s’est joint le chef de l’expédition. Après l’oasis de Séguédine, toute la journée, ils seront sur une mauvaise piste. Ce n’est que pendant sa dernière vacation vers 17 h que l’avion va les repérer. A son bord, Marlène Cotton qui assure la couverture aérienne, parvient à établir une liaison radio. Le groupe « blanc » sait maintenant où il se trouve, il pourra rejoindre les autres demain.
Arrivés à Djanet, en Algérie, le 15 novembre, J. Wolgensinger envoie un télégramme à Paris : « Traversée Ténéré terminée. Stop… au prix d’efforts considérables hommes et véhicules… Stop. Les cent jeunes du Raid Afrique »
Ce désert, réputé infranchissable par des véhicules à deux roues motrices, est maintenant derrière l’expédition Citroën. Il a fallu une semaine au Raid Afrique pour accomplie cette « première ».
La journée de « repos » permet aux mécaniciens de faire les révisions et réparations nécessaires à ces véhicules éprouvés. Dès quatre heures du matin, d’autres sont partis à pied vers Jabbarem. Ici, au coeur du Tassili N’Ajjer, la sécheresse de l’air a permis la conservation de gravures et de peintures rupestres qui ornent grottes ou simples abris sous roche. Ces milliers de dessins apportent un étonnant et précieux témoignage sur ce que fut la vie dans cette région, avant que le désert ne s’installe.
Sept mille ans avant notre ère, éléphants, rhinocéros, girafes, parcouraient la savane. Antilopes, lions, hyènes sont aussi représentés sur ces rochers en compagnie de crocodiles ou d’hippopotames.
Le Raid va maintenant se diriger vers Idélès, au pied de l’Atakor, la forteresse volcanique du Hoggar. Prévoyant les pierres noires, Jean-Paul Cardinal a demandé ce matin, de gonfler à 1,8 kg mais lorsqu’on s’écarte un peu de la piste de tôle ondulée, on retrouve des bancs de fech-fech et les enlisements. Sinon c’est un lit de cailloux comme un torrent de montagne asséché. La pierraille ne demande qu’à découper en lambeaux les flancs des pneus maintenant gonflés à 2,2.
Après Hirafok, dans les éboulis basaltiques, la piste va monter à l’Assekrem. Dans les derniers kilomètres, filtre à air débranché et allégées de leur passager qui suit en poussant, les 2 CV gravissent les lacets d’une pente impressionnante de près de 25 % pour atteindre le col à 2700 m. d’altitude au pied de l’ermitage du Père de Foucauld.

Le lecteur intéressé par ces lignes retrouvera le récit complet de Pierre Lacasta, illustré de nombreuses photographies couleurs, dans son livre de 144 pages édité chez l’auteur. (raidafrique73@orange.fr )

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